"Un rêve et le pire cauchemar" : Les frères Kelce face-à-face au ...

Donna Kelce sera dimanche la maman la plus fière de la planète. La plus stressée, aussi. Personne n'aura des sentiments plus ambivalents qu'elle. Un de ses fils va remporter le Super Bowl. L'autre fera partie des perdants. "C'est à la fois un rêve qui devient réalité et le pire cauchemar. Mon plus grand espoir et ma plus grande crainte va se réaliser", a-t-elle confié la semaine passée dans une interview accordée à la Fox. Voir ses deux grands bébés au Super Bowl, elle ne demande pas mieux. Mais si possible pas en même temps, pas l'un contre l'autre.

Donna et son mari Ed ont été gâtés : leurs deux fils ont déjà remporté chacun une bague de champion. Jason, l'aîné, 35 ans, a triomphé avec Philadelphie en 2018 face à Tom Brady et New England. Deux ans plus tard, ce fut au tour de Travis, avec Kansas City. Mais dimanche prochain, à Glendale, ils vont écrire une page d'histoire en devenant les premiers frères à disputer ensemble un Super Bowl. Il y a tout juste dix ans, ce fut le cas avec deux entraîneurs, John et Jim Harbaugh. Mais deux joueurs, ce n'était jamais arrivé.

C'est d'autant plus significatif que les frères Kelce ne sont pas n'importe qui. Chacun à leur poste, ils sont une référence en NFL. Jason occupe le poste de centre, au cœur de la ligne offensive des Eagles, la meilleure du pays, alors que le tight end (receveur rapproché) Travis est la cible favorite de son quarterback Patrick Mahomes chez les Chiefs. Tous les deux sont "All Pro", ce qui signifie qu'ils figurent dans l'équipe-type de la saison. Deux cracks, donc.

La seule bonne nouvelle pour leurs parents ? Évoluant l'un comme l'autre en attaque, ils ne se croiseront pas sur le terrain. "Je crois que je ne supporterais pas que l'un blesse l'autre sur un placage, même involontairement", confie Donna Kelce. Aucun risque de ce côté-là.

Pour le reste, la confusion des sentiments sera garantie dimanche. "L'un de mes fils va rentrer chez lui le cœur brisé, dit-elle. Il y aura des larmes de joie et de tristesse. Et beaucoup d'émotions. Mais ça va quand même être un événement génial, je suis impatiente d'y être. Je suis sûre de deux choses en tout cas : d'abord, je vais passer tout le match à crier puisqu'il y en aura toujours un des deux en action. La deuxième, c'est que personne n'aura le droit d'aborder le sujet du Super Bowl au prochain Thanksgiving."

Si Ed et Donna ont divorcé il y a une dizaine d'années, ils sont restés en bons termes et font toujours en sorte que l'un des deux assiste à chaque match de leurs fils. Quand ils jouent tous les deux le dimanche, l'un va voir Travis, l'autre Jason. "On se divise pour mieux régner", plaisante le paternel, qui se "charge" le plus souvent des matches à la maison des Eagles puisqu'il a élu domicile dans la banlieue de Philadelphie. Donna, elle, va toujours au stade avec un T-shirt aux couleurs des équipes de ses deux fils.

Pour les finales de conférence, ils ont assisté ensemble à la rencontre Philadelphie – San Francisco, mais n'avaient pas le temps de se rendre à Kansas City pour la finale AFC des Chiefs. Alors ils ont regardé la victoire de Travis contre les Bengals dans un bar de Philly. Avec Jason, bien sûr. Ce soir-là, Jason arborait à table un maillot des Chiefs pour soutenir son petit frère. A la fin du match, il l'a déchiré, avant de tweeter : "Officiellement fini d'être un fan des Chiefs cette saison !!"

Mais que pensent vraiment les frangins de tout ça ? "C'est plutôt cool, non ? Ma mère est sûre de gagner quoi qu'il arrive", avait glissé Travis Kelce en souriant il y a dix jours au soir de la qualification de Kansas City face à Cincinnati. "Je pense que je serai moins nerveux que pour le Super Bowl de Travis il y a trois ans. Je n'avais jamais été aussi stressé de ma vie", a répliqué Jason qui, lors de la victoire des Chiefs en 2020 face à San Francisco, avait débarqué en pleine interview de son frère après la rencontre. Il arborait, là aussi, un T-Shirt des Chiefs frappé du nom d'Andy Reid, le coach de Kansas City qui fut auparavant le sien à Philadelphie.

Ces deux-là sont à la fois semblables et très différents. S'ils ont conjointement atteint les sommets de leur sport, ils y ont accédé chacun à leur manière. Travis est un accroc au sport, depuis tout petit. Il pouvait passer des heures à voir et revoir des matches de NFL qu'il compilait sur ses cassettes VHS. A l'adolescence, alors que sa cote montait dès le lycée, il s'est consacré à 100% à son rêve de NFL. Jason Kelce, sélectionné en fin de 6e tour lors de la draft 2011, faisait nettement moins l'unanimité.

L'aîné n'a jamais passé son temps à la salle de muscu, contrairement à son frère. Les scouts, à l'université puis chez les pros, ont cru y déceler un manque d'investissement. "Ils n'ont jamais prêté attention au fait qu'il jouait au football et passait directement au hockey, puis au Lacrosse", rectifie son père dans le Los Angeles Times, rappelant les activités multiples de Jason qui, en prime, est aussi un saxophoniste passionné et un compositeur, devenu un jazzman accompli.

Parce qu'il joue à un poste moins exposé, Jason n'a pas autant pris la lumière que Travis. Il en plaisantait pas plus tard que la semaine dernière dans leur podcast hebdomadaire, New Heights, qu'ils animent ensemble, à propos de la retraite de Tom Brady : "Je pense que Tom ne sait même pas qui je suis. Toi, il te connait, tu es un mec qui attrape les ballons." Il y a sans doute un fond de vérité derrière l'humour, mais Jason Kelce n'en prend pas ombrage, pas plus qu'il ne nourrit une quelconque jalousie envers son cadet.

A l'adolescence, tout n'était pas rose entre eux, comme cela arrive parfois entre deux frères proches en âge (ils ont moins de deux ans d'écart). Jason, un peu plus vieux et surtout beaucoup plus costaud, a longtemps joué de ce double avantage, jusqu'au jour où Travis s'est révolté pour la première fois. Ils ont alors 12 et 14 ans. Un énième accrochage sur le terrain de basket se prolonge jusque dans la cuisine familiale. "Pour la première fois, raconte Ed, Travis a répliqué et a frappé son frère. Ils ont fini par terre tous les deux à se taper et j'ai eu du mal à les séparer".

Tout cela est loin. Les deux frères vivent tout à la fois leurs propres succès et ceux de l'autre avec la même intensité. Ils s'appellent plusieurs fois par semaine, s'appuient l'un sur l'autre. Ils vivent, ensemble, un rêve commun. Même si dimanche soir, le temps d'un match, et pas n'importe lequel, il faudra laisser tout ça de côté. Travis Kelce a promis de s'abstenir de tout trash talk en raison de la présence de son frère en face. Il a tout de même juste tenu à rappeler que lors de leurs trois affrontements en saison régulière, dont un en octobre dernier, ses Chiefs ont toujours gagné.