5,3 % pour Marion Maréchal, une victoire à la Pyrrhus

Analyse  Reconquête a réussi son pari d’envoyer des eurodéputés à Bruxelles et Strasbourg malgré une campagne catastrophique. La dissolution annoncée par Macron leur offre néanmoins de nouvelles perspectives.

Plus personne n’y croyait, pas même chez Reconquête dont les cadres anticipaient depuis plusieurs semaines un nouveau fiasco en cassant allégrement du sucre sur le dos de leur candidate Marion Maréchal. Forcément coupable de la déroute qui se profilait… Et puis non. A 20 heures dimanche, le parti d’Eric Zemmour est encore debout. Sur le fil du rasoir, juste au-dessus des 5 %, selon les premières estimations de TF1 qui font pousser de grands cris de soulagements aux militants réunis devant l’écran du siège parisien du parti, près des Champs-Elysées.

Reconquête - qui ambitionnait de faire « autour de 10 % » au début de la campagne - a sauvé les meubles et aura au moins cinq élus au Parlement européen. Marion Maréchal, Guillaume Peltier - l’ancien LR qui aura brillé par sa discrétion -, Sarah Knafo - la compagne d’Eric Zemmour, qui entretient des relations polaires avec la candidate -, Nicolas Bay, le félon ex-RN, et Laurence Trochu, une inconnue du grand public, présidente du petit allié « Mouvement Conservateur ».

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Un petit miracle pour la candidate d’extrême-droite et une victoire à la Pyrrhus tant les errements des derniers mois avaient peu à peu transformé sa campagne en opération de sabotage permanent. Les cadres Reconquête ont beau avoir l’islamophobie en partage et puiser leurs références historiques du côté de chez Napoléon et Jeanne d’Arc, le groupuscule a surtout donné à voir un spectacle digne d’une télénovela de bas étage. Ou d’une émission de télé-réalité dont les protagonistes, contraints à la cohabitation pour exister dans l’œil de la caméra, finissent toujours par ne plus se voir en peinture.

« Trop tôt pour faire l’autopsie de la campagne »

L’ambiance délétère des derniers mois va laisser des traces et les contours de la future cohabitation entre zemmouristes et marionnistes au Parlement européen apparaissent bien flous. Les amabilités échangées ces derniers mois ont été trop nombreuses, trop virulentes, pour espérer une réconciliation. A Nice, mercredi dernier, pour le dernier meeting de campagne, il fallait encore observer les proches de l’ancien pensionnaire du « Figaro » débiner la candidate seulement quelques minutes avant son entrée sur scène. Puis l’embrasser dès la fin des discours… « Trop tôt pour faire l’autopsie de la campagne. On ne dissèque pas un être encore vivant », expliquait-on, en promettant à la presse de se voir « dès lundi, pour faire le point au sujet de Marion » - c’est-à-dire lui faire porter la responsabilité en cas d’échec. En réponse, Marion Maréchal avait annulé une déambulation prévue avec Eric Zemmour vendredi sur un marché parisien. « Au moins, les choses sont claires… », convenaient, pour une fois, les entourages des deux têtes de gondole.

Le poison du doute et de la division aura infusé tout du long. Doute sur la capacité de Reconquête, en voie de groupusularisation avancée, à se mettre au service de sa tête de liste - dès l’annonce de sa candidature, faite par Zemmour à la place l’intéressée. Doute sur la volonté des deux têtes de gondoles et leurs équipes, celle des historiques de la campagne présidentielle et celle constituée des fidèles de Marion Maréchal, de travailler ensemble - plutôt que se casser du sucre sur le dos par médias interposés. Division sur l’attitude à adopter vis-à-vis du Rassemblement national, que Marion Maréchal s’est échinée à épargner malgré l’hostilité d’Eric Zemmour et ses proches - qui estimaient que la réserve de voix à aller chercher se trouvait au RN et pas chez les Républicains.

Les législatives en ligne de mire

La petite entreprise d’extrême droite a survécu mais une bonne moitié des zemmouristes de 2022 ont délaissé Reconquête au profit du RN de Jordan Bardella. Et si Marion Maréchal peut toujours s’enorgueillir de bons scores de popularité au RN, l’ancienne députée FN va devoir se faire une raison : elle a beau s’appeler Le Pen, l’attachement que lui porte encore une partie des électeurs frontistes n’est pas synonyme de vote.

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Le score de ce dimanche, inférieur à celui de Zemmour lors de la présidentielle, n’a pas tranché le débat au sujet du RN mais la dissolution de l’Assemblée nationale, annoncée ce soir par Macron, pourrait offrir de nouvelles perspectives au petit parti en se mettant, le temps de la campagne, dans la roue du RN. C’est ce que semblant esquisser Marion Maréchal ce dimanche en se disant « prête à rencontrer dans les jours qui viennent Marine Le Pen et Jordan Bardella, Eric Ciotti et Nicolas Dupont-Aignan pour travailler ensemble » dans l’option d’une « coalition » des droites. Le seul passage de son discours qu’Eric Zemmour n’a pas applaudi. Un Eric Zemmour qui, depuis plusieurs semaines, ne cachait pas plus son fatalisme quand à la future trajectoire de sa candidate, que beaucoup chez Reconquête, suspectent de préparer son retour dans le giron frontiste. Cette soirée du 9 juin, malgré ces élus tombés du ciel, n’a pas dû beaucoup les rassurer.