Euro 2024: Cristiano Ronaldo, cette figure christique

Actualisé22. juin 2024, 23:26

Le capitaine du Portugal peut décevoir sur le terrain, mais il transcende plus que n’importe quel autre footballeur. Exemple lors du match contre la Turquie samedi.

«Jésus Christ est là pour chercher ce qui est perdu.» Dans la vague de foule qui déferle hors de la gare de Dortmund ce samedi après-midi, un homme tient sa pancarte bien haut. Au milieu des centaines de supporters turcs et des dizaines de Portugais, il reste impassible. Et personne ne se soucie vraiment du prédicateur. Comme si tout le monde s’était fait à l’idée que le seul être un petit peu christique est ailleurs, sur un terrain de football.

Quelques heures plus tard, les bras ouverts en croix, Cristiano Ronaldo assume volontiers ce rôle. Il est là pour répandre le bien, et cela lui plaît assez qu’on parle de lui. Normalement, il aime marquer. Il s’en obsède, presque. Mais là, altruiste comme jamais, il sert sur un plateau à Bruno Fernandes le but du 3-0 du Portugal contre la Turquie.

Le Ronaldo que l’on connaît aurait pourtant tout fait pour finir l’occasion. Il faut saluer le geste. Même si certaines mauvaises langues oseront penser que c’était là une manière d’entrer dans l’histoire, d’être le joueur à avoir délivré le plus d’assists dans l’histoire de l’Euro. Avec sept passes décisives en six tournois, il laisse derrière lui le Tchèque Karel Poborsky.

Aucun Portugais ne s’est trompé, sur le coup: c’est vers Ronaldo qu’ils ont accouru pour célébrer ce dernier but. Il n’attendait rien de moins. S’il y en a un à saluer, c’est lui. Parce qu’il centralise l’attention, et il ne veut que ça. Problème: quand ça ne tourne pas rond, on voit surtout son agacement. Combien de fois dans un match peste-t-il? Combien de fois s’en prend-il à ses coéquipiers? Combien de fois agite-t-il les bras en baissant la tête? Il n’est même pas dit qu’il ait vu le but du 2-0, avec cet autogoal Akaydin, parce qu’il était en train de se plaindre de la mauvaise passe de Cancelo…

On ne découvre pas Cristiano Ronaldo. Par contre, dans des matches comme celui-ci, sur une scène aussi exposée qu’un Euro en Allemagne, on remarque sa dimension, sa place dans la vie des gens. Sur le chemin du Signal-Iduna Park, on ne s’y trompe pas: les maillots portugais affichent le plus souvent son flocage. Pas un autre. Comme si Bruno Fernandes, Bernardo Silva ou Rafael Leão n’existaient pas vraiment. Ce n’est pas le même pedigree, certes, mais cela tourne presque à l’obsession.

Dans les tribunes aussi, il n’y en a eu presque que pour lui, si l’on excepte l’ovation pour Pepe en fin de match. Le chant qui fonctionne, qui est repris en chœur par les supporters lusitaniens, est celui qui consiste à clamer son nom sur un air mélodieux. Au moment de l’arrivée du bus au stade, à la découverte du terrain par les joueurs, lors de l’échauffement ou, bien sûr, à plusieurs reprises pendant le match. Même quand un de ses tirs finit bien loin du cadre.

Il n’y a que lui qui puisse susciter ça, même quand sa performance est sans relief, pour ne pas dire mauvaise. Autre exemple: samedi, il y a eu six (!) supporters – certains avec un maillot turc – qui se sont mis en tête de pénétrer sur le terrain pour aller prendre un selfie avec lui. Pas sûr que les photos soient très nettes, pour les rares qui ont pu s’en approcher. Même si, et on peut le comprendre pour le coup, il a fini par s’énerver de leur récurrence.

Tout cela est un petit peu hors-sol. Comme ce trentenaire qui circulait dans les tribunes, ravis d’attirer les regards et les photos parce qu’il fait sa renommée sur son projet d’être le sosie de CR7. Les contours bien soignés, les boucles d’oreilles en valeur et le survêtement du Portugal endossé pour être sûr qu’on ne soit pas en train de supputer.

Bien qu’à vrai dire, dans les tribunes du stade de Dortmund, ce n’est pas forcément lui que les badauds regardaient le plus. Mais plutôt vers une loge. Là, on reconnaît son fils, maillot du Portugal sur le dos, avec le numéro 7 floqué, ainsi que le nom «Cristiano Jr». Avec lui, entourée de deux gardes du corps, la fameuse Georgina Rodriguez, la mannequin et compagne du quintuple Ballon d’or. Sa présence est une information en soi pour les tabloïds.

Cristiano Ronaldo n’est pas un joueur de football. Il est bien plus que ça. On peut ne pas l’aimer, mais il faut le constater. Il transcende, fait régner autour de lui l’irrationalité. Cet homme-là n’est pas tout à fait humain. Vraiment, il est christique.