« Blue Monday », le jour le plus déprimant de l'année qui n'est en ...
Depuis une quinzaine d’années, l’expression « Blue Monday » reparaît au mois de janvier sur les réseaux sociaux et dans les médias… Le « lundi le plus déprimant de l’année » tombe cette année le 16 janvier, dans un contexte particulièrement morose.
Problème : ce concept, prétendument basé sur les calculs savants d’un psychologue, n’a d’existence que dans l’esprit d’experts en marketing. Décryptage de cette « infaux » à visée commerciale, bien éloignée des problèmes psychologiques réels.
D’où cette invention vient-elle ?Le Blue Monday (qui s’inspire de l’expression anglaise to feel blue, « être déprimé ») désignerait de manière irréfutable le troisième lundi de janvier comme le jour le plus déprimant de l’année… selon une prétendue étude scientifique parue en 2005, laquelle se base sur l’équation suivante :
Pourquoi c’est faux
- Cette équation relève plus d’une farce que de l’arithmétique : certains facteurs sont inquantifiables (météo, manque de motivation, etc.).
- Son auteur, Cliff Arnall, qui se présente comme psychologue, a lui-même admis en 2010 qu’il n’y avait rien de scientifique derrière ce calcul, et qu’il avait été commandé par une société de publicité pour le compte de l’agence de voyages Sky Travel. Ironie de l’histoire, il milite depuis pour son « abolition » dans le cadre d’une campagne sponsorisée par le comité touristique des îles Canaries (Espagne).
« Ce genre de calculs menace la compréhension que le public a de la science et de la psychologie. C’est également irrespectueux envers ceux qui souffrent de vraie dépression, car cela sous-entend qu’il s’agit d’une expérience temporaire et mineure, dont tout le monde souffre », rappelle le chercheur en neurosciences Dean Burnett dans le Guardian.
Au-delà du problème moral que pose la propagation d’une pseudoscience, le Blue Monday, qui n’était qu’une opération commerciale, peut aussi encourager un phénomène préoccupant de dépenses compulsives. Selon une étude conduite par un institut britannique, le Money and Mental Health Institute, sur 5 500 personnes souffrant de troubles mentaux, neuf personnes sur dix dépensent plus d’argent lorsqu’elles ne se sentent pas bien. Les achats déclenchent un sentiment de culpabilité, qui peut donner lieu à d’autres achats pour « se sentir mieux »… enclenchant un cercle vicieux bien décrit par de nombreux psychologues.
[Une première version de cet article a été publiée en janvier 2019.]
Mathilde Damgé